Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 76
Réflexions sur le parcours singulier de Marguerite Gérard
L
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e petit « portrait de genre »
représentant un jeune
garçon debout sur un sol
pavé, un portfolio sous le bras,
devant un mur couvert de dessins
et de gravures (ill. A), a appartenu
à Ragnar Aschberg (1903-1996),
banquier originaire de Stockholm
et amateur d’art avisé, riche d’une
collection d’une centaine d’œuvres
d’époques et d’écoles différentes sur
le thème de l’enfance. Notre tableau,
dont on peut dater la réalisation vers
1790, est mentionné dans plusieurs
publications et catalogues d’exposition
suédois sous le titre Le Jeune Étudiant
en art, bien qu’il s’agisse plus
vraisemblablement d’un modeste
colporteur d’images déambulant
dans les rues de Paris. Si l’enfance
reste, tout au long de la carrière de
Marguerite Gérard, l’une de ses
préoccupations dominantes, celle-ci
l’associe généralement à l’aisance et à
la gaîté dans ses scènes de genre. Or
elle aborde ici un sujet d’inspiration
populaire rarement traité dans son
œuvre, celui de l’enfance pauvre.
Peint également sur un panneau de
dimensions réduites, il est issu de
la collection de Pierre-Adrien Pâris
(1745-1819), architecte du roi qui
légua à la bibliothèque municipale
de Besançon trente-huit peintures
et cent quatre-vingt-trois dessins,
dont un très bel ensemble d’œuvres
de Fragonard15. En 1806, du vivant
même de Marguerite Gérard, ce
panneau était déjà répertorié comme
une composition de sa main dans
l’inventaire de la collection de
Pâris : « Lot 99. Un petit tableau de
Mlle Gérard représentant un petit
domestique de cabaret tenant une
cruche...16 ». À son revers )gure une
étiquette portant une inscription
manuscrite, vraisemblablement
contemporaine de l’inventaire
après décès de l’architecte, rédigé
en 181917 : « [...] petit tableau au
premier coup de Mademoiselle
Gérard, belle-sœur de Fragonard
peintre du Roi / n° 51 / caviste [...] »
15. Le Valet d’auberge a été affecté au musée des BeauxArts et d’Archéologie de Besançon en 1843, lors du
déménagement de ce dernier dans la halle à grain de la
place du marché.
Notre tableautin (ill. A) peut être
rapproché, par son thème, son format,
sa composition et sa technique, d’un
autre petit tableau de Marguerite
Gérard, Le Valet d’auberge14 (ill. 7).
16. Pierre-Adrien Pâris, Catalogue de mon livre ainsi
que des autres objets qui composent mon cabinet, tels
que les marbres et bronzes antiques, vases, terres cuites,
bronzes modernes, plâtres moulés sur l’antique, médailles,
tableaux et dessins en bordure, histoire naturelle et
instruments, 1806, 41 feuillets, p. 58, manuscrit conservé
à la bibliothèque municipale de Besançon, cote Ms Pâris
(1 à 31).
14. Nous remercions Juliette Roy du centre de
documentation-bibliothèque municipale de Besançon
de nous avoir aimablement communiqué une photo de
l’œuvre ainsi qu’une copie de l’inventaire après décès
de Pierre-Adrien Pâris.
17. Le numéro 51 )gurant au verso du Valet d’auberge
renvoie au même numéro dans l’inventaire après décès de
Pierre-Adrien Pâris, rédigé le 8 septembre 1819 (conservé
aux archives départementales du Doubs) : « n° 51. Un
petit cadre doré, représentant un jeune homme tenant
un broc à la main, pour Mlle Gérard, belle-sœur de
M. Fragonard, estimé quinze francs ».