Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 130
Réflexions sur le parcours singulier de Marguerite Gérard
Marguerite Gérard reviendra une
dernière fois sur ce thème en 18241825 dans une toile représentant des
dames de qualité et des enfants en
train de jouer avec un chien dans un
intérieur (ill. 47) – le titre proposé
par Carole Blumenfeld pour cette
composition, L’éducation fait tout,
reprend celui de la célèbre gravure
de Nicolas de Launay réalisée d’après
le tableau de Fragonard conservé
au Museu de Arte de Sao Paulo
(ill. 42). Si l’artiste y exploite encore
les mêmes sujets, elle renouvelle
toutefois son style « en faisant
évoluer le canon de ses )gures et
l’esprit de ses compositions81 ».
81. Ibid., p. 245, n° 275 P (repr. en couleurs p. 184).
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ill. 47 : Marguerite Gérard,
L9éducation fait tout,
1824-1825,
huile sur toile,
65 x 55 cm,
signé (en bas à droite) : « Mte Gérard »,
collection particulière.
Après le décès de Fragonard,
Marguerite Gérard met en place
une nouvelle esthétique. Dans
La Rosière, présenté au Salon de 1806,
apparaissent ainsi pour la première
fois les bleus et les roses qu’elle
utilisera tout au long des années 1810
(ill. 48). Comme le souligne Carole
Blumenfeld, « les têtes pouponnes
des années 1780 et celles, plus rondes
et pleines, des années 1790 et du
début des années 1800, laissent place
à des )gures peintes dans un canon
beaucoup plus )n que Marguerite
Gérard conservera jusqu’à ses derniers
tableaux82 ». Dans notre esquisse, la
dame de droite, au visage ovale, au
large front et au nez rectiligne, trahit
la main de l’élève de Fragonard. En
effet, cette jeune femme présente le
pro)l néoclassique, « à la Prud’hon83 »,
affectionné par la peintre dans ses
œuvres de maturité (ill. 49).
La protagoniste de notre panneau,
baignée dans une lumière froide, est
peinte dans une manière )ne propre
à Marguerite Gérard, tandis que le
chien et la demoiselle cachée derrière
le fauteuil à gauche, plongés dans une
semi-pénombre, sont brossés dans un
style plus gras, souple et moelleux.
La touche frémissante et la palette
plus chaleureuse de la partie gauche
82. Ibid., p. 156.
83. Expression employée par Jean-Pierre Cuzin
(communication écrite du 29 mars 2024).