Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 117
dans l’atelier de Fragonard
formulée par l’artiste. Néanmoins,
Marguerite Gérard et Fragonard
fréquentant le monde du théâtre, il
n’est pas surprenant que leurs œuvres
y puisent certains de leurs thèmes.
Leurs cercles de sociabilité sont ceux
des peintres de genre et des artistes
de l’Opéra-Comique, qui partagent
les mêmes commanditaires. Comme
le souligne Carole Blumenfeld,
« Paris vivait alors au rythme des
caprices et des modes lancées par
les danseuses et les comédiennes les
plus célèbres, un Paris plongé dans
une euphorie, où )nanciers, danseurs
et peintres se côtoyaient autour du
Palais Royal et du Louvre57 ».
Notre esquisse est préparatoire à
un tableau de même sujet58, de plus
grandes dimensions, ayant appartenu
au cardinal Joseph Fesch (17631839), oncle maternel de Napoléon
(ill. 33). Non localisée à ce jour59,
cette deuxième version présente
quelques variantes : une quatrième
)gure se cache désormais derrière le
fauteuil, la nature morte à gauche est
plus élaborée, et le masque, qui a été
modi)é (il est plus souriant, le nez
57. Marguerite Gérard. Artiste en 1789…, op. cit., p. 37.
58. Voir Sally Wells-Robertson, Marguerite Gérard,
1761-1837, op. cit., p. 759, n° 20 et Carole Blumenfeld,
Marguerite Gérard, 1761-1837, op. cit., n° 33 P, p. 213.
59. On perd sa trace après son passage en vente
sous le n° 66 dans la dispersion de la collection de
Léon Lowenstein à Paris, galerie Charpentier, le
17 décembre 1936, où il est acheté 15 800 francs par
Rodière.
retroussé est devenu crochu), plus
)dèle à l’iconographie traditionnelle
du personnage de Pantalon.
Les deux versions se distinguent
également par leur facture. Le plus
grand tableau, au rendu plus froid,
considéré à l’unanimité comme
une œuvre de Marguerite Gérard,
est peint avec un pinceau très )n, à
la manière des maîtres hollandais.
Concernant notre esquisse, les avis
divergent. Pour Carole Blumenfeld60,
elle aurait été conçue en collaboration
par les deux artistes : l’importance
conférée à la )gure principale fait
écho aux scènes de genre imaginées
par Marguerite Gérard, mais
l’agencement de l’arrière-plan évoque
la main de Fragonard, de même
que l’amoureux vêtu à l’espagnole,
peint « avec éclat et spontanéité ».
Ce jugement n’est pas partagé par
Jean-Pierre Cuzin, qui attribue
l’esquisse, à l’instar de la version plus
achevée, à Marguerite Gérard seule
et date sa réalisation vers 1790.
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Nous nous rangeons, pour notre
part, à l’avis de Jean-Pierre Cuzin.
L’effet vaporeux de la robe justi)e la
transparence des glacis utilisés pour
la )gure principale, qui contraste
avec les empâtements destinés à
matérialiser l’épaisseur de la cape
du galant de droite. La facture
60. Le Cardinal Fesch et l’art de son temps, op. cit., p. 120.