DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 90
Ernest Klausz
(Eger, Hongrie, 1896 – Neuilly-sur-Seine, 1970)
é en 1896 à Eger, en Hongrie, Ernest Klausz
entreprend des études à l’École polytechnique de Budapest, avant que, encouragé par le
peintre József Rippl-Rónai, il ne se forme parallèlement à la peinture, souhaitant associer étroitement art et technique. Mobilisé lorsqu’éclate la
Grande Guerre, il est fait prisonnier sur le front
russe et déporté en Sibérie. Rentré de captivité
en 1922, il fuit le régime autoritaire instauré en
Hongrie depuis 1920 par l’amiral Miklós Horthy,
et se rend à Berlin où se trouve déjà une importante communauté d’artistes hongrois exilés.
Parmi eux, le pianiste Alexander László, par
ses recherches sur les relations entre musique
et couleur, a semble-t-il exercé une in昀氀uence
décisive sur Klausz. Ce dernier reprend ses
études de musique au conservatoire de BerlinCharlottenburg et se forme à la décoration théâtrale dans les quatre théâtres d’État allemands
de la ville. Il se nourrit vraisemblablement aussi
des expérimentations esthétiques et visuelles
du Bauhaus, alors diffusées à Berlin par des
projections cinématographiques de formes colorées en mouvement sur de la musique composée
spécialement à cet effet. Fréquentant assidûment
les spectacles que lui propose la scène berlinoise,
l’artiste participe à l’illustration des chroniques
lyriques et dramatiques de certaines revues spécialisées. Face à la montée du nazisme, il quitte
l’Allemagne pour s’installer en 1931 à Paris, où il
fait rapidement la rencontre décisive du peintre
Henry Valensi et du directeur de l’Opéra, Jacques
Rouché. En 1932, Klausz rejoint Charles BlancGatti, Gustave Bourgogne et Vito Stracquadaini
au sein du « groupe des peintres musicalistes »
tout juste fondé par Valensi. Selon ses théories,
la musique parce qu’elle est science, rythme et
dynamisme, est l’art le plus à même d’exprimer
les nuances et les subtilités de l’âme humaine.
La couleur étant comme le son, vibration de
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matière, le peintre musicaliste est celui qui utilise
sa matière d’art (la couleur, le trait, les formes)
pour créer subjectivement une « musique » de
couleur sur sa toile.
otre grand pastel sur papier se rapporte
à l’une des plus importantes réalisations
musicalistes d’Ernest Klausz : le décor de La
Damnation de Faust donnée à l’Opéra le 22
mars 1933 dans la version exacte de Berlioz. A
l’affût d’innovations scéniques, Jacques Rouché
a pour cette nouvelle production fait appel au
peintre hongrois pour traduire visuellement
l’œuvre sans trahir le poème musical. C’est Klausz
qui parvient à convaincre Rouché d’utiliser des
images projetées pour certains décors. Séduit
quelques années plus tôt par les spectaculaires
projections lumineuses de l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925, le directeur de l’Opéra donne son accord pour que le
cinéma fasse irruption au palais Garnier. Les
projections offrant la part de rêve nécessaire
au décor, la fantasmagorie rejoint ainsi l’illusion
théâtrale. Tout comme dans certaines planches
gouachées conservée à la bibliothèque-musée
de l’Opéra (昀椀g. 1), notre maquette illustre tout
ce que Klausz doit à son expérience allemande.
Outre un certain expressionnisme, l’ensemble
évoque en effet l’esthétique des mises en scènes
berlinoises des années 1920, ainsi que des 昀椀lms
de Friedrich Wilhelm Murnau. Toutefois, bien que
particulièrement novatrice, cette mise en image
reçut un succès mitigé, et cela tint selon Klausz en
partie au fait que Rouché ait souhaité conserver,
contrairement à l’emploi exclusif des projections
dans les théâtres allemands, l’ancien dispositif
théâtral : un cadre, drapé de rideaux noirs, et deux
niveaux sur lesquels évoluent les personnages de
cette légende dramatique.
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