DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 88
Henry Weston Keen
(Londres, 1899 – 1935)
ernier d’une famille de six enfants, 昀椀ls
d’un tailleur et marchand, directeur d’une
manufacture de vêtements, Henry Weston Keen
ne débute véritablement son activité de graveur et
d’illustrateur qu’après son retour des tranchées
de la Grande Guerre, suite à sa mobilisation en
1917, à l’âge de dix-huit ans, sur le front en France.
Exposant ses lithographies au Senefelder Club
de Londres, il développe un univers surréaliste
très original au symbolisme parfois troublant,
en partie inspiré par les images stylisées et
sinueuses d’Aubrey Beardsley. Il suscite l’intérêt
de l’un des anciens éditeurs de ce dernier, John
Lane, qui lui con昀椀e l’illustration d’ouvrages de
luxe à tirage limités, réservés aux bibliophiles.
Henry Weston Keen illustre ainsi abondamment
quatre livres de premier ordre, parfois introduit
par un auteur contemporain de référence : The
Twilight of the Gods and Other Tales de Richard
Garnett en 1924, préfacé par Thomas Edward
Lawrence ; The Picture of Dorian Gray d’Oscar
Wilde l’année suivante, avec une introduction
d’Osbert Burdett ; Zadig et autres romans de
Voltaire en 1926, traduit du français par Woolf
et Wilfred Scarborough Jackson, et en昀椀n The
Duchess of Mal昀椀 and The White Devil, réunion
de deux célèbres pièces de John Webster en 1930.
Atteint de la tuberculose, Keen meurt prématurément à l’âge de 35 ans en juin 1935 à Walberswick
dans le Suffolk, où il s’était retiré pour se soigner.
En octobre de la même année, la Twenty-One
Gallery de Londres lui rend hommage en orga-
D
nisant une exposition posthume de ses dessins
et lithographies, éditant pour l’occasion un catalogue préfacé par Edward Garnett.
M
êlant crayon et encre de chine sur papier,
notre méticuleux dessin illustre bien
le symbolisme parfois complexe et étrange
d’Henry Weston Keen. L’artiste représente
avec humour un nain chauve et pourvu d’une
queue, engoncé dans un costume de dentelles shakespearien, perché sur ses talons
aiguilles, faisant sa révérence à un crâne renversé, un masque noir et une rose blanche.
Par leurs tailles, ces différents éléments viennent
souligner l’échelle exagérément minuscule, ou
liliputienne, du nain occupant la partie droite de
la feuille. Par son graphisme abondant privilégiant les seuls noir et blanc, Henry Weston Keen
mélange les in昀氀uences japonaises et rococo
pour proposer, à l’image de Beardsley, un art
à la limite du grotesque et du décadent, apparaissant comme une satire de l’hypocrisie de
la bonne société britannique. Si l’iconographie
précise demeure mystérieuse, notre dessin a
été publié en 1922 dans la revue The Golden
Hind, fondée par Austin Osman Spare et Clifford
Bax, et éditée trimestriellement entre octobre
1922 et juillet 1924 (昀椀g. 1). Bien qu’éphémère, ce
magazine s’inscrit au sein d’une tentative plus
globale de concilier un modernisme radical à
une certaine tradition, trouvant parfois refuge
dans une nostalgie conservatrice. Connaissant
un certain succès, la revue a pu béné昀椀cier du soutien d’écrivains comme Naomi Michison, Aldous
Huxley, George Sheringham, et Cecil French,
ainsi que plusieurs illustrateurs reconnus tels
John Austen, John Nash, Glyn Philpot, Robert
Gibbings, Jack Yeats et Alan Odle.
Fig. 1 :
Bax, Cli昀昀ord, Spare, Austin Osman (dir.)
吀栀e Golden Hind, A Quarterly Magazine of Art and Literature,
Londres, Chapman & Hall, n° 1, vol. 1, octobre 1922.