DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 8
Jehan-Georges,
DIT Jean-Georges Vibert
(Paris, 1840 – id., 1902)
F
ils d’un éditeur parisien, Jehan-Georges
Vibert apprend l’art du dessin auprès de
son grand-père le graveur Jean-Pierre-Marie
Jazet. En 1857, à seulement seize ans, il intègre
l’atelier de Félix-Joseph Barrias à l’École des
Beaux-arts, avant de rejoindre celui d’Édouard
Picot, où il étudie jusqu’en 1863. Il débute cette
même année au Salon en se positionnant comme
jeune peintre d’histoire, obtenant une médaille
dès 1864, puis lors de l’Exposition Universelle
de 1867. Au retour d’un voyage en Espagne, il se
tourne progressivement vers des sujets plus
anecdotiques et inédits, qui 昀椀nissent d’assoir sa
réputation. À trente ans, sa carrière est interrompue par la guerre de 1870. Engagé pour défendre
Paris, Vibert est blessé pendant la bataille de
Buzenval et reçoit la Légion d’honneur. Après
l’épisode de la Commune, il parvient à reprendre
le 昀椀l de sa carrière en triomphant à l’Exposition
Universelle de 1878, avant d’être nommé of昀椀cier
de la Légion d’honneur en 1882. Multipliant de
petites scènes mêlant humour et ironie, ses peintures et aquarelles re昀氀ètent également sa passion
pour le théâtre, qu’il pousse jusque dans l’écriture
de pièces à succès, régulièrement représentées
au Palais Royal, au Vaudeville et aux Variétés.
D
atée de 1869, notre petite aquarelle
rehaussée de gouache prépare l’un
des chefs-d’œuvre de Jehan-Georges Vibert,
Gulliver et les Lilliputiens (昀椀g. 1), exposé à Paris
au Salon de 1870 (cat. n° 2871), puis à l’Exposition Universelle de 1878 (cat. n° 1055). Si les
sujets d’inspiration littéraire demeurent assez
inhabituels chez Vibert, Gulliver ne pouvait que
séduire l’artiste, lui-même particulièrement
féru d’évocations inventives de la vie au XVIIIe
siècle. Publié pour la première fois en 1726, le
roman satirique de Jonathan Swift avait en outre
été réédité à Londres en 1865 dans une version
illustrée par Thomas Morten1 qui devint rapidement un best-seller. A son tour, Vibert propose
ici son interprétation de la célèbre scène de
Gulliver attaché au sol, entouré d’une multitude
de minuscules Lilliputiens. Le naufragé anglais
s’est endormi à poings fermés sur la plage, où son
corps habilement traité en raccourci présente
l’aspect d’une montagne au milieu des Lilliputiens
qui, à grand renfort de câbles, commencent à
s’efforcer de le 昀椀xer au sol. Fidèle à la fantaisie
et à l’esprit de Swift, le peintre représente au
premier plan à droite les fonctionnaires de la
cour royale entreprenant l’inventaire exact des
biens du géant, avec à leurs pieds son portefeuille
ouvert, parfaitement disproportionné. Avec la
昀椀nesse de dessin qui lui est propre, Vibert décrit
minutieusement les costumes des personnages
en choisissant d’évoquer la mode du XVIIIe siècle.
C’est ce qui constitue la principale variante avec
la version 昀椀nale, où l’artiste place cette même
scène dans un décor oriental plus à même de suggérer le naufrage de Gulliver sur l’île de Lilliput,
perdue dans l’immensité de l’océan Indien. De
fait, nous savons grâce à la vente d’atelier de 1902
que l’auteur possédait une importante collection
de costumes pour documenter chacune de ses
compositions. Il existe en tout quatre versions
peintes par l’artiste sur le sujet, dont deux sur
papier2. Notre feuille diffère véritablement des
trois autres, de formats plus importants et de
compositions presque identiques. Parmi les deux
huiles sur toiles, l’une se trouve aujourd’hui dans
les collections du Arkell museum dans l’état de
New York. La seconde version s’est vendue à un
prix record en 2008 à New York, chez Sotheby’s3
(昀椀g. 1). Vibert réalisait assez couramment une
réplique de certains de ses tableaux les plus
célèbres. Si Gulliver demeure sans doute le plus
singulier et complexe de son corpus, il constitue
également l’un de ses plus immenses succès de
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