DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 74
Léon-John Wasley
(Paris, 1880 – Verdun, 1917)
«
M. Wasley, tombé au champ d’honneur,
témoigne des dons remarquables ; et il
faut déplorer que ce talent, comme tant d’autres,
hélas ! ait été fauché par la guerre1 ». Ces propos tenus en mai 1918 par Pierre Mille dans les
colonnes de la Gazette des Beaux-arts traduisent
bien le désarroi éprouvé par une partie de la critique parisienne après la disparition du sculpteur
Léon-John Wasley, tué par un obus à Verdun le
25 mars 1917. Formé à l’école Germain-Pilon,
l’artiste s’était fait une solide réputation au Salon
de la Société Nationale des Beaux-arts, d’abord
comme dessinateur d’orfèvrerie, puis comme
sculpteur. Après des débuts remarqués aux côtés
de l’ornemaniste Gaston Laf昀椀tte en 1901, il se met
à son compte en présentant de 1902 à 1904 des
petits objets en étain reprenant le large répertoire
végétal et animal propre à l’art nouveau, telles
des boucles en forme de chauve-souris qui surprennent par leur originalité. A partir de 1906, il
se tourne résolument vers la sculpture, exposant
sans interruption au Salon jusqu’en 1913. Si, sur le
plan stylistique, ses premiers modelages furent
marqués par Rodin, il trouve sa propre voie en
synthétisant les formes de ses œuvres, le rapprochant davantage des recherches contemporaines
de Maillol, comme le précise Pierre Mortier,
directeur du Gil Blas : « Léon-John Wasley […] ne
s’attarde pas aux minuties des modelés. Il veut
émouvoir, à l’instar des Grecs archaïques et des
Égyptiens, par la seule puissance des volumes
bien établis et par des silhouettes savamment
ordonnées2 ». Au Salon de la Nationale de 1910, il
expose un important Ecce Homo en plâtre (cat.
n° 2028) pour lequel il obtient une commande en
pierre, qu’il présente au même Salon dès l’année
suivante (cat n° 2061). Participant à l’exposition
franco-britannique de Londres en 1908, il connaît
une certaine notoriété internationale, en particulier en Amérique du Sud où, d’après Mortier, « son
art est fort goûté, il y a déjà trois monuments
et l’on imagine très volontiers ces 昀椀gures un
peu symboliques, quoique aussi très vivantes,
dans la grande lumière tropicale3 ». Alors que
l’un de ses Christ se trouve en effet érigé sur une
tombe en Argentine, Wasley entreprend en 1912
un important voyage de plusieurs mois au Brésil
pour présenter sa Femme assise (昀椀g. 1), après son
exposition au Salon.
B
ien que l’État se porte acquéreur de sa
Femme accroupie en 1915, le nom du
sculpteur reste à jamais associé à la bohème
montmartroise et au cabaret du Lapin agile,
dont une de ses œuvres de jeunesse, un Christ
décharné très rodinien d’esprit, orne encore
aujourd’hui la salle principale, toujours entourée d’un accrochage aussi chargé qu’hétéroclite
(昀椀g. 2). Selon la légende, un soir de Noël, probablement vers 1903, Wasley apporta ce grand
Christ en plâtre au père Frédé4 qui l’accrocha
au mur de son célèbre cabaret. Si Francis Carco
se souvient que les clients s’en servaient parfois
comme porte-manteau5, c’est le long des jambes
de cette singulière sculpture qu’en 1905, le tenancier punaisa une grande toile de Picasso le portraiturant aux côtés de Laure Pichot et du peintre
habillé en arlequin. Installant successivement
son atelier au Bateau-Lavoir puis rue Girardon,
non loin du château des Brouillards, Wasley partage sur la butte la vie des artistes et des écrivains
en devenir, se liant avec André Warnod, Pierre
Dumarchey, alias Mac Orlan, Carco et Max Jacob.
Au Lapin agile, il côtoie Aristide Bruant, LéonPaul Fargue, Roland Dorgelès et eut également
l’occasion d’y rencontrer Apollinaire, Picasso,
Braque, Modigliani et André Salmon.
D
atées de 1905, les deux grandes huiles sur
toiles que nous présentons constituent un
rare témoignage du corpus peint de Léon-John
Wasley et illustrent la façon dont l’artiste a assimilé dès sa prime jeunesse certains éléments de
… /…
Fig. 1 :
Léon-John Wasley (1880-1917),
Femme assise,
Plâtre,
Salon de la Société Nationale
des Beaux-arts de 1912
(cat. n° 2117).