DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 70
José Mongrell Torrent
(Valence, Espagne, 1870 – Barcelone, 1937)
P
armi tous les adeptes du luminisme de
Joaquín Sorolla y Bastida, le peintre
José Mongrell Torrent est le plus souvent considéré comme le plus proche sur le plan pictural.
Originaire de Valence, comme son illustre maître,
il se forme à l’académie royale des Beaux-arts de
San Carlos, où il intègre en 1885 les ateliers d’Ignacio Pinazo Camarlench et de Francisco Domingo
Marqués. Après des débuts comme portraitiste, il
s’adonne peu à peu au paysage puis à la peinture
de genre. Naturaliste par ses sujets, il s’attache
à montrer en particulier les réalités du labeur
acharné et quotidien des paysans, pêcheurs
et ouvriers. Participant à partir de 1890 à la
Nacional, l’Exposition des Beaux-arts de Madrid,
son tableau « El mortet » (« Le mortier »), y est
salué par la critique en 1893. L’année suivante,
ses portraits suscitent les éloges à l’Exposition
du Cercle des Beaux-arts de Valence. Fort de ses
premiers succès, Mongrell s’installe à Madrid
de 1899 à 1906, où il devient l’élève de Sorolla et
participe à ce titre à la Nacional de 1901. Il puise
rapidement chez ce dernier une facture plus
enlevée et moderne, ainsi qu’une attention particulière au traitement de la lumière, à travers une
grande gamme de nuances chromatiques. Dans
la capitale, le jeune peintre fréquente également
le noyau intellectuel du Café de Levante, où il rencontre Valle Inclán et Pío Baroja. A partir de 1906,
il établit son atelier à Cullera, station balnéaire au
bord de la Méditerranée, juste au sud de Valence,
a昀椀n d’y pratiquer une peinture de plus en plus
lumineuse, multipliant les paysages, marines et
scènes mêlant pêcheurs et baigneurs. Mongrell
prend parallèlement part aux prestigieuses
expositions Internationales de Barcelone, où il
est médaillé en 1907 et 1911. L’artiste s’installe
en昀椀n dé昀椀nitivement à Barcelone en 1913 lorsqu’il
obtient la chaire de dessin à l’École des BeauxArts et des Arts Industriels de la ville. Très prisé,
son enseignement marque durablement la génération suivante, tels les peintres Rigoberto Soler
d’Alcoy ou Luis Fernández.
S
aisissant par son sujet empreint d’émotion,
notre huile sur toile appartient à la période
madrilène de Mongrell, alors qu’il étudie auprès
de Sorolla. L’artiste met en scène une jeune mère,
peut-être Jose昀椀na López, son épouse depuis
1901, donnant une cuillère de médicament à son
昀椀ls alité. Par un jeu de contrastes assez sophistiqué d’ombres et de lumières, Mongrell prouve
sa singularité en appliquant la touche moderne
de son maître à un intimisme plus ténébreux. A
rebours des harmonies sombres et nuancées
des couleurs bleue, grise et mauve de la pièce, le
peintre introduit au centre de sa toile des notes
intenses orange et verte, mettant précisément en
valeur la cuillère et la tasse du remède prodigué
au convalescent. Le pro昀椀l de ce dernier, comme
celui de sa mère qui lui fait face, apparaît en
ombres synthétiques, à contre-jour de l’éclairage
puissant de la lampe, disposée sur la table de
nuit. Cette étrange source lumineuse confère
quelques subtils re昀氀ets orangés à la couverture
du lit occupant le premier plan. Par sa composition, notre tableau n’est pas sans évoquer directement une autre œuvre contemporaine du peintre,
Sin remedio (昀椀g. 1), qui remporte une médaille de
troisième classe à la Nacional de 1904 (cat. n° 910).
Toutefois, la mort, irrémédiable et tragique, n’a ici
pas le dernier mot. En mettant ostensiblement
l’accent sur la tendresse d’une mère pour son
昀椀ls, notre toile résonne symboliquement face à
la souffrance comme un hymne à l’espérance.
Fig. 1 :
José Mongrell Torrent (1870-1937), Sin remedio [Sans espoir],
1904, huile sur toile (68 x 97 cm), collection particulière.