DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 68
Aristide Delannoy
(Béthune, 1874 – Paris, 1911)
Delannoy ne fut pas qu’un simple sociétaire des Indépendants, il fut, dans son art
et dans sa vie, l’Indépendant — combattant sans
souci de lucre ou d’arrivisme pour ce qu’il croyait
être le bien, travaillant ce qu’il croyait être le
beau. Aussi digne comme homme que comme
artiste, il a manifesté dans tous ses actes, dans
toutes ses œuvres une liberté ferme et intransigeante1 ». C’est en ces termes élogieux que, dans
les colonnes des Hommes du jour, Paul Signac
rend un vibrant hommage au peintre Aristide
Delannoy, tout juste décédé à seulement trentesept ans de la tuberculose. Né à Béthune dans
un milieu assez modeste de petits commerçants
en horlogerie, le jeune homme, atteint de surdité,
développe très tôt une véritable vocation pour la
peinture. Après avoir suivi les cours de dessin et
de peinture de Pharaon de Winter à l’École des
beaux-arts de Lille, il intègre en 1897 l’atelier de
Léon Bonnat à l’École des beaux-arts de Paris.
Dès l’année suivante, il expose pour la première
fois au salon des Artistes français mais, obligé de
subvenir à ses besoins, il s’essaie à l’af昀椀che pour
des cafés parisiens, avant de mettre son talent
au service de la presse amusante et satirique.
Ses premiers dessins paraissent ainsi à partir
de 1900 dans le Gil Blas Illustré, Le Pêle-Mêle,
Le Frou-Frou, Le Petit Illustré amusant ou Le
Sourire. De sensibilité anarchiste, il publie également des caricatures dans des journaux plus
engagés comme L’Assiette au beurre dès 1901, et
collabore avec de nombreuses revues libertaires
et antimilitaristes, parmi lesquelles Les Temps
nouveaux et La Guerre sociale. C’est à cette
époque qu’il se lie d’amitié avec Charles Angrand
et Maximilien Luce. Vraisemblablement introduit
par ce dernier dans la bande de Jean Grave, il
devient le dessinateur attitré des Hommes du
jour, réalisant près de cent-cinquante couvertures qui sont autant de satires au vitriol des plus
importantes personnalités de son époque (昀椀g. 1).
Plusieurs fois inquiété par les autorités, Delannoy
«
est 昀椀ché et inscrit au « carnet B » par la préfecture
de police dès 1903 comme « socialiste révolutionnaire et antimilitariste ». Cela ne l’empêche
pas d’exposer ses œuvres aux Indépendants de
1902 à 1906, ainsi qu’au Salon d’Automne et à la
Société Nationale des Beaux-arts en 1904. Luimême originaire du nord, il étudie sur le motif
l’âpre quotidien des « gueules noires », tant
pour ses toiles que pour L’Assiette au beurre,
allant jusqu’à couvrir la catastrophe minière de
Courrières en 1906 en compagnie des peintre
Jules Grandjouan et Ricardo Florès.
até de 1902, notre saisissant portrait
d’homme au pro昀椀l barbu de condottiere,
coiffé de son bonnet d’artiste, offre un parfait
exemple de la maîtrise technique acquise par
Aristide Delannoy au début du siècle dernier.
L’emploi de couleurs vives, d’une touche large et
amples rapidement brossée à laquelle s’ajoute
un pointillisme assumé justi昀椀e que la critique
d’avant-garde ait pu régulièrement associer le
peintre à Signac, Luce, Angrand ou Henri-Edmond
Cross, « les vrais indépendants, ceux qui n’ont
jamais consenti à soumettre leurs œuvres au
jugement d’un quelconque aréopage2 ».
D
Fig. 1 :
Aristide Delannoy,
« Maximilien Luce »,
Les Hommes du jour,
13 mars 1909, n° 60
1
Signac, Paul, in Méric, Victor, « Aristide Delannoy et les artistes », Les Hommes du jour, 13 mai 1911, n° 173, p. 3.
2
Robin, Maurice, « Les Indépendants », Les Hommes du jour, 10 avril 1909, n° 64, p. 7.