DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 50
… /…
L
es trois aquarelles que nous présentons
peuvent par leur style être rattachées au
milieu des années 1890, période la plus symboliste et sans doute la plus féconde d’Alexandre
Graverol. Mêlant une multitude de symboles
rigoureusement ordonnés et traités de manière
synthétique, la première feuille (cat. n° 1) constitue
un véritable hommage à Paul Verlaine. Dominant
l’ensemble allégorique, le visage de l’écrivain
apparait auréolé d’étoiles, tel une sainte face. Il
est directement associé à l’absinthe, sa boisson
favorite dont il reprenait lui-même le surnom
affectueux de « fée verte ». Graverol personni昀椀e
le liquide en une femme nue à l’ample chevelure
verte et à la chair verdâtre, faisant symboliquement corps avec la lyre ornée de fauves du poète,
dont les cordes jaillissent de ses seins pour se
diriger verticalement vers le verre de spiritueux
disposé dans l’axe, non loin des plantes à 昀氀eurs
qui en sont à l’origine, avant macération et distillation. Il semble que le dessinateur fasse en partie
référence au poème que Verlaine consacre à l’absinthe, publié en 1870 dans La Bonne chanson :
« En robe grise et verte avec des ruches,
Un jour de juin que j’étais soucieux,
Elle apparut souriante à mes yeux
Qui l’admiraient sans redouter d’embûches ;
Elle alla, vint, revint, s’assit, parla,
Légère et grave, ironique, attendrie :
Et je sentais en mon âme assombrie
Comme un joyeux re昀氀et de tout cela ;
Sa voix, étant de la musique 昀椀ne,
Accompagnait délicieusement
L’esprit sans 昀椀el de son babil charmant
Où la gaîté d’un cœur bon se devine.
Aussi soudain fus-je, après le semblant
D’une révolte aussitôt étouffée,
Au plein pouvoir de la petite Fée
Que depuis lors je supplie en tremblant4. »
… /…