DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 42
Camille Martin
(Nancy, 1861 - 1898)
N
é à Nancy, 昀椀ls d’un sculpteur et d’une
brodeuse, Camille Martin se tourne naturellement vers les arts et effectue sa formation
à l’École des Beaux-arts de la ville, où il suit l’enseignement du peintre Louis-Théodore Devilly.
Il y rencontre Émile Friant et Victor Prouvé qui
deviennent des amis et d’intimes collaborateurs.
Lauréat du prix Jacquot en 1881, il rejoint l’École
des arts décoratifs de Paris, où il intègre l’atelier
d’Edmond Lechevallier-Chevignard. L’artiste
expose dès 1882 au salon de Nancy des peintures
empreintes du naturalisme de Jules BastienLepage qui suscitent l’intérêt du critique Roger
Marx, avec qui il noue une profonde amitié. Entre
1884 et 1891, il participe presque chaque année
au Salon des Artistes Français. Sa rencontre
avec le peintre Hokkai Takashima en 1885 sensibilise Camille Martin à l’art japonais qui in昀氀ue
fortement son style. Il s’attache à dépeindre les
paysages vosgiens en s’essayant à des techniques
comme l’émail et la céramique en collaboration
avec Gustave Schneider, et travaille également
l’eau-forte, la pointe sèche, l’aquatinte, l’af昀椀che,
le vitrail, le cuir et le bois-brûlé. En 1893, pour sa
première participation au salon de la Société
Nationale des Beaux-arts, il collabore avec Prouvé
et René Wiener pour présenter neuf reliures très
ornées aux cuirs gaufrés et patinés, fortement
in昀氀uencées par le japonisme, qui frappent la
critique et confèrent à cette nouvelle école lorraine une reconnaissance internationale. Les
commandes af昀氀uent vers les trois artistes, qui
se voient entre autres con昀椀er la réalisation de la
reliure de L’Histoire de Paris. Se tournant plus
résolument vers les arts décoratifs, Camille
Martin privilégie désormais la section Objets
d’art au Salon, collaborant encore avec Prouvé
en 1894, avant de présenter ses créations d’in昀氀uence nipponne sous son seul nom de 1895 à
1898. Lorsque survient son décès en 1898, d’une
maladie du cœur dont il souffrait depuis quelques
1
années, Camille Martin fait l’objet de nombreux
éloges, tels ceux de Roger Marx : « Il fut parmi
les premiers à préconiser les applications du
beau à l’utile, et il le faut tenir encore pour un des
meilleurs artisans de la renaissance décorative
par où s’est attestée la vitalité de notre génie
provincial1 ». En 1899, une exposition lui rend
hommage aux galeries Poirel à Nancy, avant que
son atelier ne soit dispersé.
D
até de 1895, notre tableau compte parmi
les rares peintures aujourd’hui localisées
de Camille Martin, dont la majorité du corpus
peint se trouve au musée de l’Ecole de Nancy,
qui a consacré une importante rétrospective à
l’artiste en 20102. A travers une touche souple et
libre associée à un dessin précis assez proche de
Friant, le peintre se livre ici à un certain intimisme
en 昀椀gurant le portrait d’une jeune 昀椀lle dans un
intérieur cossu et bourgeois, chargé d’objets d’art.
Le modèle, assis sur un élégant fauteuil en bois
de style Louis XV, paraît saisi dans un moment
de rêverie ou de mélancolie qui lui a fait arrêter
son délicat travail de broderie. Avec une pointe
d’humour, Camille Martin a disposé juste en
face d’elle, sur le guéridon de style Louis XVI, la
gueule ouverte d’un aquamanile saxon en forme
de lion. Ce curieux objet en bronze doré, datant
vraisemblablement de la 昀椀n du XIIIème siècle,
accompagné d’un vase cylindrique en grès art
nouveau, vient témoigner de l’intérêt prononcé
du peintre pour les arts décoratifs. Ce dernier
est con昀椀rmé par la présence au centre de la
composition d’un majestueux vase rouge garni
de lézards, peut-être exécuté par la verrerie
Daum. Autant d’éléments qui semblent justi昀椀er
les compliments formulés par Auguste Rodin,
dans une lettre qu’il adresse à Camille Martin le
14 juillet 1892 : « Bons souhaits pour vous mon
cher artiste qui avez le goût, chose rare3 ».
Marx, Roger, « Camille Martin », La Lorraine artistique, 16 octobre 1898, n° 42, p. 344.
2
Perrin, Jérôme, 吀栀omas, Valérie (dir.), cat. exp. Camille Martin (1861-1898),
le sentiment de la nature (musée de l’École de Nancy, 26 mars - 29 août 2010), Paris, Somogy éditions d’art, 2010.
3
L. a. s. d’Auguste Rodin à Camille Martin, 14 juillet 1892, Nancy, musée de l’École de Nancy.