DWZ catalogue BD - Flipbook - Page 40
Frédéric-Auguste Cazals
(Paris, 1865 – 1941)
F
igure du Montmartre de la 昀椀n du XIXe
siècle, 昀椀ls d’une couturière et d’un tailleur
de la rue des Innocents, Frédéric-Auguste Cazals
est artiste autodidacte au langage singulier. Tour
à tour écrivain, chansonnier, dessinateur et illustrateur, il est surtout connu pour les portraits
qu’il trace de ses compagnons ou amis, parmi
lesquels Paul Verlaine, dont il réalise plus de cent
cinquante portraits, le plus souvent croqués sur le
vif, entre 1886 et 1896, année de la mort du poète
à l’hôpital Broussais. Par Verlaine, Cazals fait la
connaissance de tous les poètes et écrivains symbolistes de la capitale. C’est ainsi qu’il entretient
une correspondance avec Stéphane Mallarmé
et fonde en avril 1888 la revue Le Paris littéraire,
accueillant notamment Gustave Kahn, Paul Adam,
Édouard Dubus et Louis Dumur. Il s’adonne luimême à l’illustration des ouvrages de Verlaine,
notamment les Dédicaces en 1890, et le recueil
Mes hôpitaux l’année suivante. Exposant régulièrement ses dessins et caricatures au Salon
des Cent à partir de mai 1894, il réalise l’af昀椀che
de la 7e exposition se déroulant en décembre de
la même année, en s’amusant à mettre en scène
Paul Verlaine et Jean Moréas se livrant à l’exercice
de la critique d’art (昀椀g. 1). S’il ne cesse de collaborer à de nombreux périodiques, tels La Halle
aux charges, Les Hommes d’aujourd’hui, La
Plume, Les Hommes du jour, Jugend, La Revue
bleue, sa présence demeure assez ponctuelle
sur les cimaises des manifestations of昀椀cielles,
n’exposant qu’à deux reprises une série de portraits dessinés de Verlaine au salon de la Société
nationale des Beaux-arts, en 1899 et 1903. En 1923,
il rend un ultime hommage à son illustre ami en
publiant Les derniers jours de Paul Verlaine
au Mercure de France.
la plume et le pinceau de Cazals. Mêlant sur le
papier l’encre de Chine et les crayons de couleurs,
l’artiste représente le célèbre poète et critique,
incurable dandy, debout, de dos, coiffé de son
haut-de-forme et vêtu de son grand manteau,
tenant dans sa main gauche un cigare dont la
fumée vient étrangement donner en toutes lettres
l’identité de son fumeur : « Moréas ». Cazals parvient à suggérer la silhouette reconnaissable de
ce dernier, son grand nez, son monocle et à sa
proéminente moustache noire napoléonienne.
En observant bien, l’artiste s’amuse en proposant
une véritable radiographie du squelette de son
ami, le transformant ainsi en une subtile allégorie de la mort venue par ses critiques faucher
les ambitions des jeunes créateurs. De manière
truculente, il annote en昀椀n son dessin d’une
hypothétique citation de Moréas : « Mon cœur
est un cigare éteint depuis quelques temps ! … »,
dont les excès semblent annoncer les célèbres
Stances, recueil que le poète publiera en 1899.
Bien qu’il l’ait offert à son ami journaliste et
romancier Henry Gauthier-Villars, il faut croire
que Cazals était attaché à ce dessin car il l’emprunte à ce dernier pour le présenter en 1895 à la
13ème exposition du Salon des Cent (cat. n° 28),
où il ne fait aucun doute qu’il sut faire sourire le
principal intéressé.
F
igurant Jean Moréas, également rencontré par Verlaine, notre dessin témoigne
de l’acuité satirique dont savent faire preuve
Fig. 1 :
Frédéric-Auguste Cazals,
A昀케che pour la 7ème Exposition du Salon des Cent,
Paul Verlaine et Jean Moréas,
1894, Bibliothèque Nationale de France.