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Madeleine Fleury
(Constantinople [Istanbul], 1860 – Paris, 1940)
N
ée en 1860 à Constantinople, où son père
était médecin du sultan turc, Madeleine
Fleury fait partie de ces artistes femmes ayant
réussi à se faire un nom dans les salons parisiens.
Installée dans la capitale, elle suit successivement les enseignements de Félix-Joseph Barrias
et de Paul Mathey, avant d’exposer à partir de 1886
au Salon des Artistes Français, où elle obtient en
1889 une mention honorable en présentant un
Intérieur breton (cat. n° 1040). Dès 1892, elle opte
pour le Salon plus libéral de la Société Nationale
des Beaux-arts, présidé par Pierre Puvis de
Chavannes, en exposant une importante toile,
昀椀gurant Les Deuillantes (cat. n° 410). Ce sujet
empreint d’un réalisme pathétique, témoigne
d’un travail sur le motif de Madeleine Fleury, qui
voyage à plusieurs reprises en Bretagne, jusqu’à
acquérir une villa à Dinard, station balnéaire
déjà réputée de la côte d’émeraude. Également
pastelliste de talent, elle présente régulièrement
ses portraits dans la section « Dessins » du Salon,
et participe en 1895 et 1896 aux expositions de
la Société des Femmes Artistes à la Galerie
Georges Petit. Introduite dans les milieux aristocratiques européens, elle est appelée au tournant
du siècle en Angleterre par le duc de Connaught
et son épouse pour enseigner la peinture et
l’aquarelle à leurs deux 昀椀lles. Madeleine Fleury
tisse ainsi des liens étroits avec la 昀椀lle aînée,
Margaret. Cette dernière, devenue princesse
de la couronne de Suède suite à son mariage en
1905 avec le prince de la couronne Gustaf Adolf,
invite très régulièrement l’artiste à la cour de
Stockholm à partir de 1906.
D
’un format très important, notre toile a très
probablement été exposée par Madeleine
Fleury à l’occasion de sa première participation
au salon des Artistes Français en 1886. L’artiste
présente en effet une toile intitulée Tristesse (cat.
n° 947) qui semble en tout point correspondre à
notre grande composition. Dans l’intérieur cossu
d’un salon bourgeois, garni de meubles et de
tableaux, une jeune femme esseulée, peut-être
tout juste revenue de soirée, assise sur sa chaise,
regarde mélancoliquement les 昀氀ammes animant
la cheminée de marbre gris qui lui fait face. Leurs
crépitements ne sont suggérés que par les re昀氀ets
orangés illuminant son visage et éclairant sensiblement sa chevelure auburn. Lasse, comme
absente, sa main gauche laisse retomber sur le
sol son éventail japonais uchiwa de forme ronde.
Outre le feu du foyer, associé aux 昀氀ammes plus
fragiles des bougies du chandelier disposé sur la
cheminée, Madeleine Fleury joue habilement du
clair-obscur en ajoutant un éclairage électrique
dans l’arrière-plan, en partie masqué par le
paravent. Il est d’autant plus tentant de voir dans
cette représentation un autoportrait de l’artiste
elle-même que les traits du modèle semblent
précisément correspondre à la brève description
physique de Madeleine Fleury que fait bien des
années plus tard Sigvard Bernadotte, deuxième
昀椀ls de la princesse Margaret, dans son livre
autobiographique : « une petite femme 昀椀ne aux
cheveux roux1 ». Devenu à son tour créateur, designer et illustrateur, il ne manque pas de saluer
une dernière fois le talent d’une artiste peintre à
laquelle il vouait une profonde admiration : « Je
l’ai toujours aimée. C’était comme si elle comprenait tout, qu’elle avait une compréhension
de tout et que rien ne pouvait la surprendre.
Elle a peint de superbes portraits de jeunes
enfants en pastel ou à l’huile, tout juste suggérés
mais très vivants2. »
1
[traduit du suédois] « C’était une petite femme 昀椀ne aux cheveux roux, au petit sourire ironique, et je l’ai toujours aimée »,
in Bernadotte, Sigvard, Krona eller Klave, Bonnier, 1975, p. 63-67.
2
Ibid.