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Enrico Gamba
(Turin, 1831 – 1883)
N
é à Turin, Enrico Gamba grandit au
sein d’une famille de notables de la ville.
Nommé baron en 1835 par le roi Charles Albert de
Sardaigne, son père Alberto Gamba est doyen de
la Chambre des Commissaires aux comptes. Son
frère aîné, Francesco Gamba est déjà un peintre
établi lorsqu’Enrico est inscrit à l’âge de douze
ans à l’Accademia Albertina, où il étudie auprès
de Michele Cusa, Giovanni Marghinotti et Carlo
Arienti. Encouragé par sa mère Marta Borgnis de
Mannheim, une aristocrate d’origine germanique,
le jeune artiste intègre en 1850 l’atelier d’Eduard
von Steinle à l’École Städel de Francfort, où il se lie
d’amitié avec le peintre anglais Frederic Leighton.
En compagnie de ce dernier, il effectue un important voyage dans le nord de l’Europe, en Belgique
et en Hollande, avant de retourner en Italie, visitant successivement les villes de Vérone, Padoue,
Venise, Florence et Rome. Séjournant entre 1853
et 1855 dans la ville éternelle, les deux amis fréquentent les artistes du Caffè Greco et font la rencontre de Friedrich Overbeck. Invité ensuite par
Leighton dans son atelier parisien en 1855, il fait
la connaissance d’Ernest Hébert et Ary Scheffer.
Mêlant une certaine in昀氀uence nazaréenne à son
goût pour l’histoire, Enrico Gamba fait pour la
première fois sensation lors de la présentation
de ses Funérailles de Titien à la Brera de Milan
en 1855. Également exposé l’année suivante à la
Promotrice de Turin, le tableau est directement
acheté par le roi Victor-Emmanuel II et permet
à l’artiste d’obtenir un poste de professeur à
l’Albertina. Consacré comme peintre d’histoire, il
obtient en 1860 la commande publique d’un grand
format 昀椀gurant Le roi Victor-Amédée II venant
en aide aux victimes de la Guerre de Succession
d’Espagne. Achevé en 1864, la toile rencontre un
franc succès à Paris lors de l’Exposition univer-
selle de 1867. Dans le prolongement de l’uni昀椀cation italienne, il multiplie les grandes scènes
patriotiques de la période du Risorgimento, et
entre 1875 et 1880, collabore avec Andrea Gastaldi
au chantier de restauration de la cathédrale de
Chieri, dans sa ville natale de Turin.
A
lliant l’aquarelle et la gouache à un savant
usage du papier blanc laissé en réserve,
notre séduisant portrait traduit toute la maîtrise
technique atteinte par le pinceau foisonnant
d’Enrico Gamba. Il illustre également l’intérêt
prononcé de ce dernier pour le théâtre en saisissant les traits de Sarah Bernhardt dans son rôle
iconique de Phèdre. En 1874, la jeune membre de
la Comédie Française s’est saisie du rôle-titre de
la pièce de Racine aux côtés de Mounet-Sully en
Hippolyte, et connaît ses premiers triomphes.
Auteur d’importants décors pour les théâtres
de Baltimore et de Buenos Aires, Enrico Gamba
a également réalisé plusieurs portraits à l’aquarelle de cette gloire montante du théâtre français.
Vraisemblablement réalisée vers 1879, alors
que Sarah Bernhardt reprend son célèbre rôle,
notre feuille se distingue par l’attention portée à
l’expression de l’actrice, comme saisie sur scène,
voilée dans son costume antique. Doucement
modelé par un éclairage latéral, son visage de
pro昀椀l laisse apparaître ses lèvres encore entrouvertes d’où émane sa voix caressante, alors que
ses yeux égarés suggèrent la pose languide et
éthérée qui a fait tout son succès. Gamba réussit
le tour de force de rendre avec 昀椀nesse la vie intérieure de son modèle, emprunte d’une religiosité
con昀椀nant au mysticisme, à même d’interpréter
à la perfection le magnétisme d’une Phèdre
entièrement soumise à ses passions, tout à la fois
séductrice et inquiétante.