Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 53
LIFESTYLE
Portrait
Fabrice Epstein
Je me dirais aussi, peut-être que j’aurais dû
poursuivre ma voie en droit international,
celle que j’ai empruntée à la sortie de
l’école du Barreau. En 2007, j’étais parti au
Rwanda, j’avais « visité » le Tribunal pénal
international et plus tard, j’ai défendu des
Rwandais accusés de génocide devant la Cour
d’assises. Le droit international, c’était un peu
un premier gros amour.
De mon père j’ai appris à mettre les gens
à l’aise, à leur donner envie de passer du
temps avec moi. Les compétences, les clients
partent du principe que nous les avons. Et puis
d’ailleurs, même au sein d’un cabinet, si vous
avez la confiance d’un client, vous pouvez
n’avoir aucune compétence, s’il a confiance
en vous, il vous suivra.
Mon père m’a également appris aussi qu’il
fallait éviter les mauvais clients, ceux qui
peuvent vous faire perdre du temps, ceux qui
ont des comportements inappropriés.
[S.J] Tes parents étaient des commerçants,
un métier qui requiert d’excellentes qualités
relationnelles avec le client. L’avocat n’a pas
toujours bonne presse auprès des clients :
incompréhension du discours juridique,
honoraires, disponibilités, etc. Est-ce que ton
socle familial t’a aidé à mieux gérer les relations
avec tes clients ? Et si oui, en quoi ?
Avocat, c’est essentiellement du commerce ;
certes de la prestation intellectuelle, mais ça
reste très similaire à un commerce. Si vous
rentrez dans un endroit beau, que le vendeur
a l’air sympa et que ce qu’il vend est agréable et
accommodant, vous restez. De la même façon
que les gens emploient le mot cross-selling ;
vous venez, vous prenez un T-shirt et vous
partez avec une ceinture et un pantalon. Quand
vous commencez avec un avocat pour faire du
droit des a昀昀aires, vous restez avec lui, vous lui
confiez votre droit du travail, puis votre droit
de la propriété intellectuelle… Finalement vous
passez un moment de vie avec lui.
[F.E] Oui. D’abord, e昀昀ectivement, ce rapport
avocat-client, il est difficile à appréhender
parce qu’on n’a pas de modèle. Je l’ai compris
au fur et à mesure des années de pratique :
un avocat c’est d’abord une clientèle et une
clientèle qu’on ne choisit pas. Pour beaucoup
d’avocats, il y a un véritable système d’héritage,
me semble-t-il, parce que nombre de clients
viennent pour le nom d’un cabinet, ou
par recommandation familiale ou grâce
à l’entourage proche. Il y a donc très peu
d’avocats qui partent de zéro.
[S.J] Tu as intégré de grands cabinets avant
de prendre (assez rapidement d’ailleurs) ton
indépendance et ta liberté en créant le cabinet
« Saul. » Saul, c’est une référence à la série Better
Call Saul ou rien à voir ?
Je ne dis pas que je pars complètement de zéro
non plus d’ailleurs. Car dans ce rapport au
client, c’est vrai que j’ai vu mon père à l’œuvre
en qualité de commerçant. Les gens venaient
le voir. Ils vendaient des jeans, des chemises,
des articles de mode plutôt basiques, et parfois
les gens venaient le voir uniquement pour
discuter avec lui, lui soumettre une situation,
lui demander un avis.
[F.E] On avait le même problème que beaucoup
d’avocats doivent avoir. On était trois
à l’époque avec un fiscaliste et on essayait
d’accoler nos noms. On ne savait pas qui
serait le premier, le dernier, etc. On est tombé
d’accord pour un prénom ou un nom commun.
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