Fabienne Verdier- Retables, Lelong&Co, Paris - Flipbook - Page 29
Bernardo Daddi
Triptyque de la Vierge
vers 1340-1345
Le tumulte de la matière (Le chaos cosmique, Au chemin des éclairs) peut
se métamorphoser en chant (L’hymne de la nuit, L’horizon de la nuit). J’en ai
concrètement fait l’expérience un soir en me promenant sur le lungomare
de cette ville italienne de la côte adriatique où je me suis replié pour écrire.
Depuis plusieurs jours, l’image du tissage du Chaos cosmique me travaillait
intérieurement. Ressassant cette idée d’ordre dans le désordre, je m’arrête
stupéfait devant un palmier : placée à la verticale, la grille du chaos semble
naturellement prolonger la structure entrecroisée des gaines d’anciennes
feuilles sur le tronc. Cela m’éberlue d’autant plus que, quelques jours avant
mon départ, Fabienne Verdier m’a explicitement déclaré que les analogies
avec le branchage des arbres, qu’elle constate de plus en plus fréquemment, l’incitent à travailler davantage la verticalité. De son enfance, me
confie-t-elle, lui revient à l’esprit l’image heureuse de ses jeux dans les vieux
pommiers chez son grand-père (À l’ombre de l’arbre). L’arborescence est
l’une des structures les plus présentes dans le monde des apparences. Dans
l’œuvre de Fabienne Verdier, elle est non seulement visible dans les formes
créées mais également dans leur matérialité. Le craquellement de la peinture produit un réseau de nervures à la manière des bras de mer qui, en
s’infiltrant dans le paysage, finissent par développer un delta aux multiples
branches. La verticalité fera donc partie de l’horizon de l’artiste. La suite
de son travail en témoigne déjà. Pour l’exposition de Londres, elle vient de
réaliser une cascade sublime sur un fond bleu miroitant de mille nuances.
On dirait qu’en ce geste fusionnent des années et des années de recherche.
La cascade n’est-elle pas la forme la plus parfaite de l’écoulement, principe
fondateur de la peinture chinoise dont découlait sa création ? Et c’est précisément sur un retable que le miracle a eu lieu. Le regard s’est ouvert sur
l’infini de son mouvement.
(Matera – Trani, printemps 2024)
Fabienne Verdier
Le chaos cosmique (détail)
2023
Palmier
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