Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 46
Jean Honoré Fragonard, Le Verrou ovale
CONTEXTUALISATION
DES RÉSULTATS
Le blanc de plomb, les terres, les
ocres et le vermillon sont utilisés
par les artistes depuis l’Antiquité
et sont traditionnellement présents
sur les palettes des peintres sans
discontinuité jusqu’aux périodes
modernes. Deux pigments détectés
par l’analyse font exception :
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• Le bleu de Prusse, pigment
minéral synthétique obtenu à
partir de ferrocyanure ferrique,
a été découvert à Berlin en 1706.
Il a été rapidement adopté par les
peintres. D’un bleu intense et stable,
ce pigment était considéré comme
révolutionnaire : il a transformé la
pratique des artistes. Les pigments
bleus connus et utilisés jusqu’au début
du xviiie siècle avaient tendance à
virer4. Le lapis-lazuli naturel, bien
que d’un rendu exceptionnel, était
quant à lui extrêmement coûteux5.
Le bleu de Prusse a été par exemple
employé par Watteau dans La Mariée
du village dès le début des années
17106. Ce pigment a été largement
utilisé par les peintres jusqu’au
4. Le bleu indigo a tendance à s’éclaircir, tandis que
l’azurite et le smalt ont tendance à virer avec le temps.
5. Jens Bartoll, The Early Use of Prussian Blue in Paintings.
9th International Conference on NDT of Art, Jerusalem,
Israel, 35-30 mai 2008.
6. Myriam Eveno, Éric Laval, Élisabeth Marin et
Jens Bartoll, « La palette de Watteau et de ses épigones :
l’analyse des pigments », Techné, n° 30-31, 2009-2010,
pp. 37-51.
xixe siècle, avant d’être concurrencé
par de nouveaux pigments bleus
comme le bleu outremer artificiel7
et les bleus à base de cobalt8.
• L’autre pigment détecté, souvent
associé à la peinture du xviiie siècle,
est le jaune de Naples. Il s’agit
d’un antimoniate de plomb. Bien
qu’employé comme colorant pour
les céramiques dans l’Antiquité, son
usage en peinture est beaucoup plus
récent. En e&et, il ne commença à
être utilisé par les peintres qu’au
xviie siècle. Devenu le pigment jaune
le plus courant en peinture au début
du xviiie siècle, il fut, au milieu du
siècle suivant, remplacé par le jaune
de chrome et le jaune de cadmium,
tous deux découverts au xixe siècle9.
COMPARAISONS AVEC L’ŒUVRE
DE JEAN HONORÉ FRAGONARD
Les pigments détectés dans notre
Verrou ovale ont été comparés à
ceux identifiés dans les œuvres
de Fragonard déjà analysées par
des institutions muséales10.
7. Le bleu outremer artificiel a été synthétisé pour la
première fois en 1828.
8. Le bleu de cobalt et le bleu céruléum ont été découverts
au début du xixe siècle.
9. « Lead Antimoniate Yellow », dans Ashok Roy,
Artists’ Pigments. A Handbook of Their History and
Characteristics, Washington, National Gallery of Art,
Robert L. Feller ed., 1986, vol. 1, pp. 219-254.
10. Rapports de laboratoire du Centre de recherche et de
restauration des musées de France : L’Abreuvoir, huile