Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 34
Jean Honoré Fragonard, Le Verrou ovale
de considérer ce Verrou, travaillé
par sa forme circulaire, comme une
matrice, au sens d’un moule contenant
une forme prête à être reproduite.
De fait, quelque huit ans après son
exécution, Le Verrou ovale, demeuré
dans l’atelier de Fragonard comme
le révèlent les comptes accumulés
sur son verso, se voit attribuer
une seconde fonction : il devient
le point de départ d’une nouvelle
composition et sert de modèle
préparatoire au tableau du Louvre.
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L’esquisse sur bois (ill. 4) constitue
une étape indispensable à la fusion de
la composition du dessin Rothschild
(ill. 3) avec celle du Verrou ovale.
Du dessin, Fragonard conserve le
format paysage et des dimensions
très proches, ce qui lui permet de
reprendre aisément les grandes lignes
de la scène, en retenant le motif de la
table recouverte d’un drap blanc et
de la chaise renversée. En revanche, il
simplifie les détails au profit de l’épure
expérimentée sur Le Verrou ovale,
dont il préserve le dépouillement de
la pièce, l’association des couleurs et
le contraste marqué entre les ombres
et la lumière. Avec l’esquisse sur bois,
Fragonard travaille la métaphore
sexuelle du lit, des rideaux et du
coussin, accentuant la charge érotique
de la grande toile commandée par le
marquis de Véri, pour faire pendant
à l’Adoration des bergers (ill. 2)47.
Guillaume Faroult a longuement
commenté cette association singulière
d’une scène religieuse avec un
sujet licencieux, qui fait écho aux
inclinations du marquis de Véri,
grand collectionneur d’œuvres
contemporaines et libre-penseur48.
Dès 1784, le tableau du marquis
de Véri a bénéficié d’une large
diffusion grâce à la gravure de
Maurice Blot, annoncée dans
Le Journal de Paris, La Gazette de
France et Le Mercure de France.
Laurent Guyot réalisa à son tour
une gravure destinée à être colorée
qui transpose avec fidélité, mais
dans le sens inverse, la composition
du Louvre. Enfin, A. M. de Gouy
exécuta également une gravure
d’après Le Verrou du Louvre,
malgré le recours au format rond
qui évoque le carton49 (ill. 17).
47. Paris, musée du Louvre, inv. RF 1988 11. Voir JeanPierre Cuzin, Fragonard. Vie et œuvre, op. cit., pp. 178179, fig. 215, n° 300, ill. ; Fragonard, dir. Pierre Rosenberg,
op. cit., n° 234, repr. et Fragonard amoureux, galant et
libertin, op. cit., cat. 71, repr.
48. Ibid., p. 208.
49. Selon les analyses d’Art in Lab et l’observation en
lumière rasante, Le Verrou ovale ne présente aucune trace
de report ou de transfert.
