Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 32
Thème et variations, les Verrous
L
e Verrou ovale n’a pas encore
livré tous ses secrets. Le
verso du carton, recouvert
de comptes, trahit la présence
prolongée de ce dernier dans l’atelier
de l’artiste (ill. 16). C’est pourquoi
nous pensons que Fragonard lui a
assigné plusieurs fonctions, fonctions
qui ont évolué au gré des projets
et des commandes du peintre, et
surtout de son besoin de revenir
régulièrement à cette composition.
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Resté longtemps à l’écart des regards
des historiens, Le Verrou ovale a fait
l’objet de peu de commentaires, si ce
n’est la mention de son existence42.
Sur la base de critères stylistiques et
artistiques précédemment évoqués,
nous situons sa réalisation vers 17691770. Ainsi, l’exécution de ce carton
s’inscrit entre les dessins à la sanguine
et au lavis, datés autour de 17651769, et l’esquisse sur bois du Louvre
Abu Dhabi (ill. 4), suivie du tableau
du Louvre (ill. 1), réalisés entre 1774
et 1778 pour l’une et vers 17771778 pour l’autre. Le temps long de
gestation du Verrou du Louvre – plus
de dix ans – n’est pas un phénomène
rare dans l’œuvre de Fragonard,
comme l’ont souligné de nombreux
commentateurs43. Il témoigne de la
manière dont Fragonard reformule
et varie continuellement ses
compositions, cherchant sans cesse
à affiner ses idées, à expérimenter de
nouveaux gestes et à faire évoluer son
style. Ce sens aigu de l’autocritique
contraste avec les répétitions,
autrement dit les copies, qu’il réalise
souvent à la demande de ses clients et
qui stimulent moins son imagination.
On connaît différentes versions
dessinées du Verrou, documentées
par des photographies en noir et
blanc44 – parmi lesquelles figure le
dessin issu de la collection Rothschild
(ill. 3) –, ainsi qu’une feuille passée
en vente chez Christie’s en 202245.
L’une de ces versions46 a servi de
point de départ à la scène peinte
par Fragonard quelques années plus
tard sur le petit carton. Le passage
43. Par exemple Pierre Rosenberg, qui l’a démontré
en mentionnant systématiquement les œuvres en
rapport avec un tableau dans Fragonard, dir. Pierre
Rosenberg (cat. exp., Paris, galeries nationales du Grand
Palais, 24 septembre 1987-4 janvier 1988 ; New York,
Metropolitan Museum of Art, 2 février-8 mai 1988),
Paris, RMN, 1987 ; mais également Jean-Pierre Cuzin au
sujet du Verrou du Louvre dans Fragonard. Vie et œuvre,
op. cit., p. 179 ou encore Marie-Anne Dupuy-Vachey
pour les processus créatifs dans Fragonard, Drawing
Triumphant, op. cit., pp. 15-45.
44. Elles sont décrites et parfois reproduites dans Fragonard,
dir. Pierre Rosenberg, op. cit., sous le cat. 236, pp. 481-482.
45. Vente New York, Christie’s, The Ann & Gordon Getty
Collection, 20 octobre 2022, lot 19.
42. Voir les références de bibliographie et d’expositions au
début du commentaire.
46. Sans doute celle reproduite dans notre étude, dont
l’authenticité semble garantie par un certificat rédigé par le
maître lui-même. Voir note 8 p. 9.
