Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 23
Pierre-Antoine Berryer et l'éloquence du cœur
seront toujours muettes [27] ». C’est encore en faveur de la liberté des correspondances que Berryer plaide pour le Marquis de Voguë, poursuivi
pour colportage à la suite de l’envoi à ses amis, d’une missive du Comte de
Chambord. L’avocat démontre brillamment que les textes invoqués par le
Ministère Public ne s’appliquent pas. Il obtient la relaxe.
Tous ses contemporains ont admiré son éloquence et sa dialectique. À la société des Bonnes-Etudes qu’il a fondée en 1820 et qui comprenait l’élite des
étudiants, beaucoup, dont Alexis de Tocqueville, Montalembert, Lacordaire,
venaient à lui comme à un père pour chercher les encouragements et les
conseils. Au-delà des mots et des péroraisons vibrantes, indignée, pleine
de passion, sa voix subjugue l’auditoire. Nulle
Mais, c’est surtout dans
autre voix n’était comparable à la sienne.
« La voix de Thiers était criarde et glapisles grandes causes
sante et la première fois que je le vis paraître
qu’il déployait toutes
à la Tribune ce petit homme, je pris bien vite
mon chapeau et je m’en allai. (…). La voix
les magni昀椀cences
de Lamartine était monotone comme une
de son talent : la belle
lyre qui n’aurait qu’une corde (…). La voix de
Monsieur Benjamin Constant bégayait et zéordonnance du plan,
zayait comme celle d’un enfant (…) et je crois
la fermeté du dessin,
encore entendre celle de Berryer : elle brille,
elle résonne, elle peint, elle pleure, elle tonne,
l’élévation des pensées,
elle supplie, elle attire, elle subjugue (…). Vous
la noblesse des sentine connaîtrez pas Berryer, générations nouments, et, par-dessus
velles qui ne l’aurez pas entendu (…). Vous
détournerez les yeux devant les restes froids
tout, la splendeur
de son éloquence sténographiée (…) et vous,
d’une incomparable
Berryer, si vous m’en croyez, ramassez vos
harangues jusqu’à la dernière, et brûlez-les
éloquence
au pied de la tribune [28] ». Grâce à la fréquentation de ses amis Rossini, Musset et Delacroix, il s’inspire de la musique, de
la poésie et de la peinture. Il agrémente ainsi ses plaidoiries et ses discours.
Pour autant, Berryer ne voit pas dans l’art de la parole la seule qualité de
l’avocat. La forme est au service du fond : il rappelle « qu’on peut être avocat
sans être orateur, mais, qu’au Barreau, l’on n’est jamais un véritable orateur
sans être avocat (…) Malheur en e昀昀et, à celui qui s’embarrasserait plus de
phrases sonores, toutes puissantes sur l’aveugle multitude, que de la solide
démonstration qui doit concilier à sa cause les su昀昀rages de ses juges ! [29] »
23