Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 22
RÉDAC
Histoires d'avocats
ont le plus besoin de protection. Je ne suis certainement pas un agitateur,
je suis essentiellement conservateur, et c’est pour cela même que je repousse les traités de gré à gré entre le maître et l’ouvrier ; le traité de gré
à gré, c’est le marché de la faim ; c’est la faim laissée à la discrétion de la
spéculation industrielle ! [21] ».
En août 1845, des ouvriers charpentiers, accusés de délit de coalition,
trouvent encore en Berryer, un défenseur de leurs revendications. À ses
yeux, plaider les circonstances atténuantes serait réclamer la pitié. Or, il
s’agit de justice. L’avocat en appel à l’équité. Il dénonce en s’écriant : « qu’il
me soit permis de trouver étrange que Monsieur l’Avocat Général ait fait
remarquer la tenue, la toilette des prévenus à l’audience, pour se prévaloir contre eux de leur attitude si convenable !... Parce que ces hommes ont
voulu comparaître devant votre justice dans la meilleure tenue possible,
Monsieur l’Avocat du Roi a insinué que ces dehors indiquaient de l’aisance
et que, par conséquent, les compagnons charpentiers n’avaient pas besoin
d’une augmentation de salaire [22] ».
En 1862, Berryer âgé de 73 ans, défendra avec la même ardeur, les ouvriers typographes. « La lettre de la loi était toujours contre lui. Mais, la manière dont il présenta la défense des typographes montra l’arbitraire de la
loi [23] ». Par la loi du 25 mai 1864, dite d’Émile Ollivier, les articles du code
incriminant le délit de coalition sont abrogés. Pourtant, Berryer refuse son
vote à la loi nouvelle. Malgré ses modifications dans un sens libéral, elle
n’en demeure pas moins, à ses yeux, une loi d’exception.
Berryer disait de
ses confrères :
« je les ai bien
aimés, ils
m’ont aussi bien
aimé, c’est
une grande joie
pour moi que
ce souvenir».
Catholique convaincu, il place la liberté religieuse
au-dessus de toutes les autres. Dans son plaidoyer pour
Monseigneur Dupanloup, il s’écrie : « c’est la plus auguste des libertés que j’ai à défendre [24] ». À la Tribune,
Berryer soutient la liberté de la presse et de discussion : « des arrêts ne détruisent pas les convictions de
toute une vie [25] ». Il dépose des amendements sur les
pénalités des journalistes et sur la liberté de la librairie et de l’imprimerie. À la Barre, il défend à plusieurs
reprises La Quotidienne et la Gazette de France [26].
Dans la plaidoirie pour la Gazette de France, qui avait
reproduit ces mots de Chateaubriand à la duchesse de
Berry : « Madame, votre fils est mon Roi », il relève cette
inqualifiable répartie du Procureur Général : « nous
respectons toutes les opinions, mais à condition qu’elles
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