Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 21
Autour de 1770, la liberté d’inventer
P
our comprendre le rôle du
Verrou ovale dans l’œuvre de
Fragonard, il est nécessaire
de proposer des hypothèses de
datation. Jean-Pierre Cuzin a déjà
souligné que les dessins sur le thème
du Verrou avaient été conçus de
manière autonome, avant d’être
reformulés bien plus tard pour la
peinture du marquis de Véri22. Le
dessin sous-jacent du Verrou ovale
nous semble fournir un premier
indice de datation, tant son écriture
tourbillonnante rappelle la manière
de Fragonard au tournant des années
1760 et 1770. La comparaison avec des
dessins du peintre représentant des
dortoirs féminins, tels que Le Lever,
22. Jean-Pierre Cuzin, Fragonard. Vie et œuvre, op. cit.,
p. 179.
Les Pétards ou Les Jets d’eau (ill. 8)23,
révèle ainsi une parenté dans la
vivacité d’une graphie au service du
rendu des matières. Réalisées vers
1763-1765, ces feuilles montrent
des intérieurs richement décorés
et animés de femmes dévêtues,
évoluant autour de lits à baldaquin
aux rideaux entrouverts sur des
matelas épais recouverts de draps
défaits et de coussins rebondis. Les
jeux de drapés sont ici essentiels, car
ils traduisent le désordre du mobilier
et favorisent l’exhibition des corps
féminins. Fragonard joue déjà sur
les échos entre le textile bouffant de
la literie et les chairs voluptueuses
23. Respectivement conservés à Washington,
The National Gallery of Art, inv. 1963.15.10 ; Boston,
Museum of Fine Arts, inv. 44.815 ; Williamstown,
The Clark Art Institute, inv. 1955.1967. Voir les
commentaires de Marie-Anne Dupuy-Vachey dans
Fragonard amoureux, galant et libertin, op. cit., cat. 46,
48 et 49.
17
ill. 8 : Jean Honoré Fragonard,
Les Pétards, vers 1763-1765,
lavis brun, pierre noire sur
papier vergé, 262 x 380 mm,
Boston, Museum of Fine Arts.