Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 19
Pierre-Antoine Berryer et l'éloquence du cœur
combats du défunt. Il en appelle au respect d’un
mort et de son honneur. Ce jour-là, le public lui
porte une froideur marquée. Peu lui importe : il a
montré qu’il savait mettre la vérité, la dignité et
la voix de la conscience au-dessus d’une vaine et
méprisable popularité.
Il en appelle au respect
d’un mort et de son
honneur. Ce jour-là,
le public lui porte une
froideur marquée.
Peu lui importe : il a
montré qu’il savait
mettre la vérité, la
dignité et la voix de la
conscience au-dessus
d’une vaine et méprisable popularité.
En matière criminelle, Berryer subjugue aussi
ses clients. Lorsqu’il obtient l’acquittement d’un
dénommé Dehors, son client vient le trouver : « je
vous dois plus que la vie, je vous dois la liberté et
l’honneur ». Il remet à Berryer une somme en billets. Ému d’une telle gratitude, ce dernier la divise
en deux parts identiques. Il donne l’une au jeune
homme, l’autre à la jeune fille : « Mademoiselle,
voici votre dot ; Monsieur, voilà de quoi payer vos
études [11] ». Défendant un dénommé Castaing
poursuivi pour empoisonnement, son client, l’entendant en appeler à la justice céleste, bouleversé
par la force de sa plaidoirie, clame : « oui, je suis
coupable [12] ». Défendant une pauvre marchande de faïence dans le cadre
d’un procès qui risquait de ruiner son petit commerce, il demande pour tout
paiement un petit encrier dont il se servit toute sa vie. De tels faits furent
fréquents dans la vie de Berryer qui mit un point d’honneur à les cacher.
Reste que tous ceux qui l’ont approché ressentaient la bonté de son cœur.
Élu député du département de la Haute-Loire, siégeant dans les rangs
de la droite royaliste, au mois de mars 1830 [13], l’avocat monte à la tribune de la Chambre pour s’opposer à l’« Adresse des 221 », protestant
contre le gouvernement et qui devait aboutir à la révolution de Juillet.
Au lendemain de la révolution des « Trois Glorieuses », il vitupère contre
le changement dynastique. Dès lors, il sera l’un des principaux chefs du
légitimisme parlementaire, luttant contre le régime orléaniste [14]. À la
Chambre, il se fait le défenseur de la liberté de l’Église. En 1831, il fustige
une tentative de rétablissement du divorce. En 1845, il s’oppose aux attaques visant la Compagnie de Jésus, « un corps illustre dont la chute fut
le premier triomphe de l’esprit philosophique et irréligieux [15] ». Sous la
Seconde République, il contribue à la reconnaissance de la liberté d’enseignement et le maintien des congrégations, qu’il voit comme un moyen
de maintenir la liberté de conscience. Pour autant, à plusieurs reprises, il
défend les principes du libéralisme politique. Son action prend place sur
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