Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 14
Jean Honoré Fragonard, Le Verrou ovale
tableau9. Malgré ces connaissances, il
manquait la peinture commentée ici
pour apprécier pleinement la longue
élaboration du fameux Verrou.
10
Peu connu du public comme des
spécialistes, ce petit Verrou est une
composition contenue dans un cercle
interrompu par les bords du carton,
lui donnant l’allure d’un ovale. Il a été
exposé à Berne en 1954, avant d’être
mentionné par Pierre Rosenberg en
1974 et en 1987 parmi les œuvres
en rapport avec le grand Verrou
(74 x 94 cm)10. Sa réapparition
soulève de nombreuses questions.
Comment cette composition a-telle été réalisée ? Quels sont ses
liens avec Le Verrou du Louvre ?
Quelle est sa singularité matérielle ?
Quand a-t-elle été exécutée ? Qu’estce que ce Verrou ceint dans un
cercle révèle du processus créatif de
Fragonard ? Et quelle est sa place
dans le corpus du maître ? L’œuvre
a été si peu commentée par le passé
qu’il convient de la décrire sous
tous ses aspects, quitte à y passer
plus de temps qu’il n’en a fallu
à Fragonard pour la peindre.
L’étude du Verrou ovale est l’occasion
de rappeler les enjeux du sujet choisi
par Fragonard, mais aussi et surtout
de formuler l’hypothèse d’une
chronologie des scènes dessinées
et peintes du célèbre tableau du
Louvre. Les spécialistes du dessin,
tels que Marie-Anne Dupuy-Vachey,
Perrin Stein et Eunice Williams11,
ont apporté des éclaircissements
précieux sur la lente gestation des
compositions chez Fragonard.
Pour Le Verrou, ce processus est
marqué par des jaillissements
d’idées dessinées, reprises, répétées,
transposées en peinture, abandonnées
puis réactivées sur une période
d’environ vingt ans. À lui seul, le
petit Verrou offre une immersion
dans l’atelier de Fragonard, artiste
fusionnant constamment son activité
de peintre avec celle de dessinateur.
Son analyse matérielle nous aide à
mieux cerner les caractéristiques
techniques et stylistiques de cette
œuvre singulière, à la fois variation
d’après un dessin et modèle servant
à la reformulation d’un tableau qui
compte parmi les plus ambigus de la
peinture française du xviiie siècle.
9. Tous ont été analysés et publiés par Isabelle Compin et
Pierre Rosenberg, Jean-Pierre Cuzin et Guillaume Faroult.
10. Voir les références bibliographiques en introduction
de cette étude, dont la citation extraite de l’article de
1974 : « […] une autre, plus intéressante, dans le sens de
l’original, inscrite dans un ovale (projet de miniature ?),
papier sur carton, 11 x 8 cm, ancienne collection
Clermont-Tonnerre, montrée à l’exposition Fragonard
de Berne en 1954, n° 103, et dont l’Institut Courtauld
possède une photographie (Gernsheim 14615) ».
11. Voir leurs contributions et notices d’œuvres dans
Fragonard, Drawing Triumphant, dir. Perrin Stein
(cat. exp., New York, &e Metropolitan Museum of Art,
6 octobre 2016-8 janvier 2017), New Haven, Yale
University Press/&e MET, 2016.
