Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 14
RÉDAC
Histoires d'avocats
« La peine de mort ne
peut pas être juste à
raison de tout ce qui
manque aux hommes
pour bien accuser,
bien juger, bien défendre. La peine de
mort ne devrait être
que le châtiment des
sociétés parfaites »
accuser, bien juger, bien défendre. La peine de mort
ne devrait être que le châtiment des sociétés parfaites [36] ». Albert Naud a examiné les statistiques
de nombre pays qui ont aboli la peine capitale. Pas
une seule n’indique que cette abolition a conduit
à une augmentation quelconque du nombre d’homicides [37]. Il critiquera l’argument préventif de cette
mise à mort, puisque depuis 1939, elle était exécutée
à l’intérieur des prisons. De même, n’ignorant pas
que la tête d’un homme dépend souvent d’une seule
voix, il démontrera l’inhumanité de cette peine par
notion de « loterie capitale [38] ».
Alors que la peine de mort sera abolie le 18 septembre
1981, sous l’impulsion de Robert Badinter, l’éloge que
lui rend Louis Rheims, secrétaire de la Conférence le 31 janvier de la même
année, se termine ainsi : « pour que vive Albert Naud une dernière fois parmi
nous, Monsieur le Garde des Sceaux, abolissons la peine de mort [39] ».
Au-delà, son combat sera celui d’un militant contre le refus de justice, dès
lors que les droits essentiels de la défense sont violés : « après l’ère des procès de trahison, sommes-nous assurés que la France ne connaitra pas celle
des procès d’opinion ? (…). Si le malheur veut que de telles coutumes s’installent chez nous, les garanties qui seront alors données aux accusés ne seront jamais trop efficaces, la séparation du pouvoir judiciaire et des autres
pouvoirs ne sera jamais trop rigoureuse [40] ».
Quarante ans plus tard, Maître Henri Leclerc, qui fut son collaborateur,
écrira magnifiquement sur leur rencontre : « le militant engagé que je n’ai
jamais cessé d’être s’aperçut alors qu’il n’était pas seulement arrivé chez
un grand avocat qui allait lui apprendre son métier et ouvrir les portes de
la carrière, mais chez un homme qui, malgré des divergences politiques
importantes, partageait avec lui ce sou昀툀e exigeant qui pousse à agir pour
que le monde soit meilleur [41] ».
Cédric Porteron
14