Numéro 02 LexMag - Magazine - Page 10
RÉDAC
Histoires d'avocats
Au moyen d’une « syntaxe parfaite, héritée de l’enseignement primaire, allié à un sens de l’humain exacerbé », il parvient à séduire et persuader. Il
sait « sonder, juger l’âme de chaque juré, deviner ses faiblesses, afin de plaider de façon presque intime [11] ». Il sait aussi se méfier des plaidoiries qui
font plaisir à celui qui les écoute : « méfiez-vous du violoncelle. Sa voix est
belle, mais son ventre est creux [12] » dira-t-il plus tard à son collaborateur.
Pendant la guerre de 1939-1945, il est mobilisé. Par deux fois il est blessé
pendant la bataille de France. Il est a昀昀ecté à une compagnie des brancardiers, puis nommé officier de contre-espionnage. Il reprend son activité
d’avocat, mais, très vite, il rejoint la résistance en 1940.
Il sait « sonder, juger En janvier 1941, il est arrêté pour propagande gaulliste,
l’âme de chaque juré, pour la distribution de tracts anglophiles [13], mais la répression est encore mal organisée. Il le sera à nouveau
deviner ses faiblesses, en mars. Pendant près de deux mois, il est incarcéré à la
a昀椀n de plaider de façon Santé. Malmené, a昀昀amé, il s’attend à être fusillé. Après
presque intime ». le démantèlement de son premier réseau, il en crée un
autre au Palais de justice [14], et participe à la libération
de Paris. En qualité d’avocat, il défend des résistants et « même des communistes [15] » devant les juridictions spéciales composées de ceux qu’il
qualifiera « d’assassins judiciaires [16] ».
De ces épreuves de combat et de cet emprisonnement à l’âge de 36 ans, il
tirera de la substance pour ses plaidoiries. Au sortir de la guerre, il s’inscrit aux commissions d’office. Lui, le résistant, défend désormais des collaborateurs. Face à des cours qu’il considère comme n’étant pas à la hauteur
de notre histoire, il y rencontre la haine, le désir de vengeance. Faisant fi
du droit et de toute notion de justice, il perçoit que des « jurés serviles et
honteux d’avoir crié en d’autre temps “Vive le Maréchal” se lavent de leur
culpabilité dans le sang des condamnés [17] ». Il vit la situation d’une défense constamment muselée. Il tente avec ardeur de faire rempart contre
la vindicte d’un peuple prétendant exorciser ses démons. Il obtient ainsi la
grâce du Général Mangeot.
Quelque temps plus tard, lui, dont les opinions, le comportement, la lutte et
les sou昀昀rances le situent à l’opposé le plus strict, est désigné d’office aux côtés de Jacques Baraduc et rejoins Yves-Frédéric Ja昀昀ré pour défendre Pierre
Laval. Celui qui, pacifiste jusqu’à la lâcheté, a livré la France à l’ennemi ; celui qui a souhaité la victoire de l’Allemagne : « j’avais d’un seul coup fait
taire mes partis pris et mes hostilités, pour rechercher avec cet homme ce
contact de cœur sans quoi aucune défense n’est possible. (…) ce vertige au
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